théorie des mémoires partielles

Révélation sur votre capacité de mémorisation en chinois

On entend souvent : « Moi, je suis un visuel ! » Ce qui voudrait dire que cette personne a une mémoire photographique. Ou encore « Moi, je suis un auditif ! » Les sons s’incrusteraient dans leur tête. Bien que ces expressions fassent déjà partie du vocabulaire courant et que ces personnes soient sans doute de bonne foi, cependant non seulement nous n’avons pas de mémoire visuelle, mais nous n’avons pas plus de mémoire auditive !

Selon cette théorie, la mémoire est associée à nos sens et en partant de cette idée, les musiciens auraient naturellement une mémoire auditive et les joueurs d’échecs une mémoire visuelle. Nous allons voir dans la suite de cet article des expériences toutes simples qui ont donné lieu à des découvertes choquantes qui révéleront que cette petite voix dans votre tête est autre chose que de l’auditif, et que l’image qui s’incruste dans vos idées est autre chose que la mémoire visuelle. Il se pourrait bien que cela change à jamais votre manière d’apprendre le chinois.

Des fossiles sous le tapis

Les pédagogues ont caché un secret encore plus dérangeant. Beaucoup se tiennent peu au fait des développements scientifiques. Pour Alain Fleury, professeur émérite de psychologie cognitive, cette idée d’une mémoire sensorielle serait les restes de la théorie sur les mémoires partielles de la fin du XIXe siècle. Pour lui, certains formateurs se réclamant de la PNL (programmation neuro-linguistique) se sont retrouvés déçus, mais utilisent cette distinction visuel/auditif à bon ou à mauvais escient. Il souligne que la PNL n’a aucun fondement scientifique. La réduction à une mémoire visuelle ou auditive serait fausse, pour s’en rendre compte il suffirait de faire le petit test rapide suivant.

Vous avez une mémoire photographique, êtes-vous prêt à le parier ?

Prenez quatre stylos de couleur différente et écrivez sur une feuille une phrase de votre choix, par exemple « pierre qui roule n’amasse pas mousse », « le jardinier taille les rosiers du jardin », etc. et colorez ou écrivez chaque lettre dans une couleur différente. Faites lire la phrase à quelqu’un et une fois qu’il a fini de la lire, retirez la feuille et demandez-lui de réécrire la phrase avec les bonnes couleurs.

test mémoire photographique

Vous allez constater le résultat désastreux. Pourtant les personnes qui font le test se rappellent de la phrase. Alors qu’est-ce qui se passe ?

Les recherches montrent que nous avons bien une mémoire sensorielle (visuelle, auditive,etc…) mais celle-ci est beaucoup trop courte pour retenir des phrases ou du vocabulaire. De plus, notre champ visuel est trop limité pour « photographier » une page entière. Cela voudrait donc dire que les méthodes de chinois où les mots sont en d’autre couleurs pour aider à retenir les tons, ne seraient pas aussi efficace qu’on pourrait le penser.

Visuel ou auditif, quel est le meilleur ?

En réalité, qu’on utilise l’un ou l’autre séparément, ou les deux en parallèle avec un super équipement visuel écran plat en 3D et un casque audio spécial immersion qui vous coupe du monde extérieur, les résultats sont quasiment les mêmes : nous oublions rapidement s’il n’y a pas répétition du contenu. En réalité, par rapport au temps de rétention de la mémoire visuelle (250 millisecondes), il y a une légère supériorité de la mémoire auditive (2 à 3 secondes), ça fait quand même 10 fois plus, alors que les gens pensent généralement le contraire. Mais si on effectue un rappel de l’expérience au bout de 10 secondes, les deux modes visuel ou auditif sont équivalents.

Le scientifique américain John Morton a posé la théorie que les informations visuelles ou auditives sont fusionnées dans un code supérieur qu’on appelle « code lexical ». Sa fonction est double, il stocke des mots et permet de les reconnaître.

Ainsi, pour faire simple, notre mémoire arrive plus facilement à se rappeler des mots déjà connus car déjà intégrés dans la mémoire lexicale. Mais tous nouveaux mots doivent passer par toutes les caractéristiques : visuelle, graphique, auditive, articulatoire, motrice, etc.

Par défaut, où devrions-nous particulièrement faire encore plus attention ?

On connaît tous la richesse de l’écriture chinoise avec ces milliers de caractères. Pour l’instruction et l’alphabétisation, leur maîtrise est primordiale. Ce n’est pas pour rien que le programme de l’éducation nationale en Chine met particulièrement l’emphase sur l’acquisition d’un niveau seuil d’environ 1500 caractères à acquérir lors des deux premières années d’entrée à l’école primaire qui permettent l’accès à la lecture.

Entre l’accès à la lecture, l’art de la calligraphie, son implication dans les rites spirituels ou religieux, l’étude des canons et textes fondateurs de la civilisation chinoise, tout pousse faussement à penser que la lecture et l’écriture, donc qui privilégie le canal visuel, est l’aspect le plus important dans l’apprentissage du chinois.

Or l’humain n’a pas été conçu pour lire. Pour y parvenir, il utilise une aire de son cerveau qui à l’origine est dédiée à la reconnaissance spatiale. Celle-ci a été détournée de sa fonction première pour différencier des points noirs aperçus sur une page blanche et à partir de là, comprendre le message.

Là où tout se joue

Pour Mlle Fan, enseignante en chinois langue seconde, en mandarin, le fait de savoir que ce mot se prononce « LAO », « XIAOTOU », « BAOFU », etc. est presque anecdotique. Au point où même si vous gardez la bouche fermée mais que vous rendez audible les tons des mots que vous tentez de prononcer, votre interlocuteur chinois a plus de chance de vous comprendre !!!

Ainsi ce qui rend un mot chinois compréhensible, c’est moins votre capacité à l’articuler correctement sinon à produire la combinaison des tons correcte.

Cela peut sembler complètement déroutant pour tous les francophones qui sont habitués à un système latin, mais pourquoi pas ? La langue chinoise a tellement d’homonymes, qu’il faut bien un moyen de faire le tri parmi tous ces mots. Il est déjà arrivé à tous les non-natifs de se retrouver devant un Chinois et de bien prononcer le mot avec un pinyin parfait, mais les tons étant trop approximatifs ou faux, votre interlocuteur est complètement perdu alors que la phrase est simple et le contexte presque évident…

De là, on pourrait en déduire que ce nombre d’homonymes et l’utilisation des tons ont été à la base de l’écriture chinoise. Le fait que chaque caractère est unique, permet d’identifier plus facilement un mot que ne pourra le faire une oreille. Ainsi à l’oral, plusieurs mots peuvent être identiques phonétiquement et seul le contexte pourra les différencier, alors qu’à l’écrit, un seul coup d’œil permettra de les identifier immédiatement.

C’est donc cette particularité qui demande une attention particulière pour bien maîtriser le seul outil qui permet de différencier les mots à l’oral, les tons ! Lesquels nous avons bien compris sont plus importants que les syllabes elles-mêmes.

Ainsi, nous avons vu que la meilleure façon de retenir ou de présenter du nouveau vocabulaire est audiovisuelle, complétée par un entraînement à répéter et à écrire le mot nouveau. Donc, si un enseignant privilégie seulement un canal, la « fiche lexicale de l’élève » est incomplète en mémoire.

Le chinois mandarin est une langue tonale car l’utilisation des tons est la seule chose qui permet la différenciation et la compréhension à l’oral. Cette particularité qui a précédé l’écriture et en a généré la singularité, et invite à les maîtriser avec une attention particulière.

Cette prise de conscience pourrait-elle changer toute la manière d’apprendre le chinois dans le futur ? Quelles méthodologies permettront à des non-natifs de former de telles compétences ? C’est justement ce que nous traiterons dans les prochains articles de ce blog.

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