Si vous avez suivi notre première incursion dans l’univers passionnant de Xavier Naville, vous êtes sans doute impatient de découvrir la suite de cette aventure extraordinaire de « Comment un Français a découvert de l’or en cultivant des légumes en Chine : « The Lettuce Diaries »». Si vous êtes nouveau parmi nous, bienvenue dans ce récit captivant qui vous plongera au cœur de la Chine contemporaine comme jamais auparavant.
Aujourd’hui, nous vous invitons à poursuivre cette exploration dans cette deuxième partie, nous plongerons encore plus profondément dans son périple en Chine, découvrant avec lui les défis et les triomphes qui ont marqué son parcours exceptionnel et comment s’est terminé son histoire.
Titre original : « The Lettuce Diaries: How a Frenchman found gold growing Vegetables in China. »
9 Nouilles au thé de sable et crevettes
La cuisine chinoise est extrêmement sophistiquée, et selon les Chinois eux-mêmes, la seule cuisine qui pourrait l’égaler serait la gastronomie française (mais je ne suis pas sûr que le Français moyen y ait accès…). L’auteur partage son évolution dans sa perception et son appréciation de la cuisine chinoise. Malgré sa passion pour la nourriture, il avait du mal à comprendre la diversité des plats chinois en raison de son ignorance de la culture culinaire. Au fil du temps, grâce à l’influence de sa femme Jane et d’un ami américain nommé Eric, il a commencé à explorer davantage les saveurs inconnues de la cuisine chinoise et à apprécier le parfum des plats épicés et exotiques.
Eric avait fait l’effort d’apprendre à connaître la cuisine chinoise de manière approfondie, et devant son aisance à choisir les plats au restaurant et à savoir accorder les mets de la cuisine chinoise entre eux, cela a incité Xavier à s’ouvrir davantage aux saveurs et aux plats locaux. Il a réalisé qu’il était temps de sortir de sa zone de confort culinaire occidentale et de s’immerger dans la richesse de la cuisine chinoise.
C’est lors d’un déplacement commercial dans le sud de la Chine qu’il va faire une expérience culinaire mémorable où il goûte à un plat local appelé « shacha mian 沙茶面 » ou « nouilles au thé de sable ». Malgré son apparence peu attrayante, le plat s’est avéré délicieux et a marqué le début de son exploration plus approfondie de la cuisine chinoise.
La cuisine chinoise est profondément ancrée dans la vie quotidienne de ses habitants. L’ouverture d’esprit permet la découverte de la culture à travers sa nourriture. La nourriture dans la culture chinoise est profondément ancrée dans l’identité du pays.
À noter qu’en Chine, en raison de sa grande population et de ses ressources agricoles limitées, le pays a toujours dû faire face à des défis en matière de production alimentaire. Les catastrophes naturelles telles que les inondations, les sécheresses et les maladies ont souvent entraîné des famines. Cependant, la Chine a toujours travaillé dur pour maximiser sa production alimentaire en modifiant son environnement, en construisant des infrastructures agricoles et en développant des techniques agricoles avancées.
De plus, la Chine possède une grande variété d’espèces végétales, bien plus nombreuses que celles des États-Unis et du Canada réunis. De nombreuses espèces végétales qui existent encore à l’état sauvage en Chine ont disparu en Amérique du Nord pendant les périodes glaciaires. La diversité des plantes en Chine permet aux cuisiniers de disposer de nombreuses matières premières pour expérimenter et créer une grande variété de plats.
La Chine a également adapté des ingrédients et des techniques de cuisson venant d’autres régions du monde pour créer des plats chinois uniques. Par exemple, la transformation du kiwi en Chine, originalement appelé « la pêche du singe », a été perfectionnée en Nouvelle-Zélande, mais les racines de cette plante sont toujours en Chine. La cuisine chinoise a évolué au fil des siècles en fonction des périodes d’abondance et de disette. En période de famine, tous les types d’organismes vivants sont devenus des sources de nourriture, même les plus inhabituels. La cuisine chinoise est donc le résultat d’une grande créativité culinaire.
La nourriture joue également un rôle central dans la médecine traditionnelle chinoise, où les aliments sont classés en fonction de leurs propriétés « yin » ou « yang ». L’équilibre entre ces deux éléments est considéré comme essentiel pour maintenir une bonne santé.
L’auteur raconte également une expérience personnelle liée à l’épidémie de SARS en 2003, où il a été exclu d’un village en Chine en raison de sa nationalité étrangère. Cela souligne comment la peur des étrangers et la méfiance à l’égard de la propagation de maladies ont pu affecter les voyageurs étrangers en Chine pendant cette période.
Il explique aussi comment lorsque l’épidémie a éclaté en Chine, les autorités chinoises au début ont nié son existence et prétendu que la situation était sous contrôle. Les responsables de la santé chinois ont minimisé le nombre de cas et ont tenté de rassurer la population et le monde extérieur pour préserver l’harmonie sociale.
Pour l’auteur, la crise du SRAS l’a confronté à des défis commerciaux encore plus difficiles. Les voyages vers les régions touchées étaient limités, ce qui compliquait la gestion de son entreprise, notamment la construction d’une nouvelle usine.
Cependant, avant même la crise du SRAS, des lacunes dans le système de contrôle alimentaire chinois avaient été exposées. L’exportation de produits alimentaires contaminés vers le Japon et d’autres pays avait déjà suscité des préoccupations. Cependant, les autorités chinoises avaient nié ces problèmes et avaient tenté de minimiser l’ampleur du problème.
Des rapports d’experts européens sur la sécurité alimentaire en Chine avaient mis en lumière de nombreuses lacunes dans le système de contrôle alimentaire chinois, notamment un manque de coordination entre les agences réglementaires, des seuils de sécurité incohérents et un manque de communication entre les organismes gouvernementaux. La réponse initiale de la Chine à ces rapports a été de nier les problèmes et de les minimiser. Les autorités ont prétendu que les aliments contaminés étaient des cas isolés et ont même avancé des explications absurdes, comme le fait que l’antibiotique chloramphénicol était présent dans les crevettes en raison de l’utilisation de crème pour les mains par les travailleurs d’usine.
L’auteur souligne que, malgré ces problèmes de sécurité alimentaire, la Chine s’est davantage concentrée sur sa croissance économique et son statut de membre de l’OMC que sur la résolution de ses problèmes internes liés à la sécurité alimentaire.
Tout cela a eu un impact sur l’entreprise de Xavier qui a subi une baisse des ventes pendant la crise. Heureusement, les affaires de Creative Food se sont rapidement rétablies. Les clients avaient initialement évité les restaurants par crainte de la foule et des maladies, mais dès que les rapports médiatiques ont diminué, les ventes ont repris rapidement. L’entreprise a connu une croissance significative, dépassant les objectifs fixés.
KFC avait entrepris une expansion massive en Chine, ouvrant de nombreuses nouvelles succursales, en particulier dans les provinces du sud où McDonald’s était déjà bien établi. Xavier était chargé de construire une nouvelle usine à Guangzhou pour répondre à cette demande croissante.
Mais c’était sans compter de nouvelles pressions sur les prix. En effet, KFC a introduit un processus d’appel d’offres annuel pour tous ses achats alimentaires, ce qui signifiait que les fournisseurs, y compris Creative Food, ne pouvaient plus négocier les prix. Les fournisseurs devaient offrir le prix le plus bas pour obtenir une part plus importante des affaires de KFC. Cela a créé une pression constante pour réduire les coûts.
Et en raison de la croissance du marché, de nombreuses nouvelles entreprises sont entrées en concurrence pour obtenir des contrats de fourniture alimentaire avec KFC. Cela a entraîné une concurrence féroce et une pression sur les prix pour les fournisseurs existants.
La croissance économique en Chine a conduit à une demande croissante de produits bon marché, par conséquent cela a également entraîné une course effrénée pour fournir des prix compétitifs à l’intérieur du pays, mais aussi les autres pays à l’international voulaient des produits bon marché venant de Chine. Ainsi, la pression pour réduire les coûts a conduit à des pratiques douteuses tout au long de la chaîne alimentaire. Les agriculteurs utilisaient des produits chimiques dangereux, les fournisseurs coupaient les coins et la qualité des produits alimentaires en souffrait. Il y avait peu de contrôles et de responsabilités en matière de sécurité alimentaire.
Tout cela a conduit l’auteur à réfléchir à la nécessité de revenir à la campagne pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire. La chaîne alimentaire opaque et non réglementée derrière la modernisation de la Chine contrastait avec l’image extérieure de progrès et de modernité.
10 La police de la laitue
Après les échecs dramatiques liés aux émeutes des villageois à Qipanshan et à la prise d’otages à Linhai, l’auteur avait évité l’agriculture pendant plus de deux ans. Cependant, en 2003, il décide de faire son retour. Il est conscient que les menaces pour la sécurité alimentaire ne peuvent plus être ignorées. Les réseaux de commerçants sur lesquels il comptait se sont consolidés, et de nombreux agriculteurs avaient commencé à cultiver leur propre laitue, établissant ainsi des partenariats avec des villages et investissant dans leurs propres fermes.
Cela avait créé une communauté où tout le monde bénéficiait : les villageois gagnaient de l’argent, les commerçants avaient des commandes régulières, et Creative Food avait un approvisionnement stable à des prix fixes. Cependant, la question de la sécurité alimentaire si les aliments contenaient trop de pesticides restait un défi. L’auteur se sentait de plus en plus mal à l’aise, sachant que des milliers de personnes consommaient leur laitue chaque jour et que son meilleur argument pour convaincre de nouveaux clients était que s’ils travaillaient avec eux, ils n’auraient pas de problème de scandale alimentaire. Mais maintenant, il fallait qu’il puisse tenir cette promesse, et les options étaient limitées. Bien que les ressources ne manquaient pas, comme l’utilisation de machines plus sophistiquées, de graines plus résistantes, etc., pour que ses fournisseurs acceptent de les adopter, il fallait qu’il prouve que cela fonctionne.
Pour résoudre ce problème, il décide de créer une ferme miniature où il pourrait expérimenter de nouvelles idées, de nouvelles graines et de nouveaux outils pour améliorer la sécurité alimentaire. Ainsi, il pourrait prouver et montrer que son concept est fiable et convaincre ses partenaires. Pour financer ce projet, il obtient une subvention de 160 000 $ de la Banque de développement allemande. Il engage également Doug Trett, un expert en application de pesticides et un fermier passionné, pour diriger ce projet.
Doug apporte une perspective pragmatique et réaliste, adaptée à la Chine, et commence à suggérer des moyens d’améliorer la culture de la laitue. Après avoir analysé la qualité inférieure des têtes de laitue produites en Chine par rapport à la Californie, Doug explique que les sols peu profonds sont responsables de la faiblesse des plants de laitue. Il montre comment les racines des plantes ne peuvent pas pénétrer suffisamment en profondeur à cause de couches de sédiments accumulés au fil des années, ce qui empêche les racines de capter l’eau nécessaire pour la croissance des plantes.
Pour résoudre ce problème, Doug propose l’utilisation d’un outil appelé « ripper » pour ouvrir le sol en profondeur. Cette solution a du sens d’un point de vue agronomique, et l’auteur est enthousiaste à l’idée d’obtenir des têtes de laitue plus grosses et de réaliser des économies considérables. Cependant, Doug rencontre des obstacles pour obtenir les équipements nécessaires. Les fabricants chinois ne sont pas intéressés par la production de ces outils en petites quantités, et les outils dont il a besoin sont principalement fabriqués pour l’exportation. Doug se met à la recherche de ces équipements dans des ateliers de mécanique à Shanghai, mais il finit par décider de construire lui-même les outils nécessaires à la ferme modèle. Il fait équipe avec Sun, son collègue chinois, et travaille sur la conception et la fabrication des outils, même s’il n’est pas un ingénieur agricole de formation.
Plus tard, il est confronté à des difficultés lors de la création de la ferme modèle. En effet, celle-ci est située à Xinzhou, une région peu attrayante caractérisée par des étangs stagnants et des paysages dépourvus de charme. Doug vit dans un hôtel local, où les conditions sont spartiates, et il fait face à des défis constants, notamment des retards dus aux pluies incessantes, des problèmes avec les villageois locaux et des pannes d’équipement. Malgré ces défis, il reste déterminé à faire fonctionner la ferme modèle.
Un jour, Doug décide de commencer le labourage du champ avec son tracteur, mais il est confronté à l’opposition des agriculteurs locaux qui prétendent que le terrain leur appartient. Malgré le contrat entre les mains de Doug, les villageois n’entendent pas raison. Doug attelé à la tâche décide de continuer à travailler, ce qui provoque un affrontement tendu. Une femme locale se place devant le tracteur et est accidentellement blessée lorsque la machine roule sur son pied. Cela déclenche la colère des villageois, qui commencent à s’en prendre à Doug. La situation devient tendue, et Doug réalise qu’il a fait une grave erreur en continuant à travailler malgré l’opposition des villageois. Ce fut un moment critique dans la vie de Doug, mais au final on apprend que la femme n’a eu aucune blessure et avec l’appui du secrétaire d’État de la ville, quelques bouteilles d’alcool de riz et cartouches de cigarettes plus tard, l’affaire est réglée. Après s’être remis de cette mésaventure, les jours suivants, Doug est prêt à repartir à l’assaut des champs de laitue.
On apprend que le prêt fourni par la Banque allemande pour créer la ferme modèle contenait des clauses de formation pour les villageois. Ainsi, alors que Doug essayait de transmettre ses méthodes agricoles innovantes aux villageois, il est confronté à leur résistance. Ces agriculteurs enracinés dans leurs traditions ne comprenaient pas la nécessité d’utiliser des graines spéciales adaptées aux basses températures, de la tourbe coûteuse ou des engrais supplémentaires. Ils ne pouvaient pas saisir pourquoi un acheteur paierait plus cher pour des légumes uniformes et bien présentés. Cette résistance était compréhensible pour Doug, mais il était également frustré par cette attitude.
Pourtant, Doug était déterminé à faire progresser son projet. Il expliquait aux agriculteurs l’importance de certains changements, comme l’utilisation de la tourbe pour protéger les plantes lors de la transplantation. Cependant, les villageois n’étaient pas mentalement prêts à abandonner leurs habitudes transmises de père en fils, et critiquaient ouvertement ses méthodes. Ainsi, Doug s’occupait de son champ en sortant avec son gros tracteur américain, merveille de technologie agroalimentaire, et dans le champ voisin, les villageois continuaient à cultiver comme ils l’avaient fait pendant des siècles avec une charrue tirée par un buffle d’eau. Le contraste était tellement énorme que la première fois que Doug avait utilisé son puissant tracteur, il avait pris une photo qui illustrait le contraste entre son équipement moderne et les méthodes traditionnelles des villageois.
Au fil du temps, Doug a réussi à gagner la confiance des villageois, en grande partie grâce à Xia Lihua, le chef du comité du Village Number 9. Xia, un homme plus âgé et respecté par les villageois, est devenu un médiateur essentiel entre Doug et les agriculteurs locaux. Il a contribué à résoudre les conflits et à faire accepter les nouvelles méthodes agricoles de Doug. Doug a également fait des progrès dans la gestion de l’irrigation et de l’utilisation des pesticides. Il a enseigné aux agriculteurs les risques liés à l’utilisation de produits chimiques et les a encouragés à adopter des pratiques plus sûres pour protéger l’environnement et leur santé.
En fin de compte, malgré les défis rencontrés, Doug a réussi à gagner le respect des villageois en montrant sa détermination à travailler dur sur le terrain et à faire en sorte que les salaires soient versés à temps malgré les obstacles. Sa capacité à travailler aux côtés des agriculteurs, à comprendre la terre et à utiliser des méthodes efficaces a finalement contribué à briser la résistance initiale des villageois face au changement.
Cependant, la première année du projet de ferme modèle n’a pas été couronnée de succès. Les conditions météorologiques, avec un hiver pluvieux suivi d’une chaleur estivale précoce, ont entraîné une mauvaise récolte de la laitue. De plus, une partie de la terre utilisée avait été contaminée par un herbicide, ce qui a encore compliqué les choses. Doug a dû se rendre dans notre ferme d’été en Mongolie intérieure, laissant un jeune agronome gérer la ferme de Xinzhou en son absence, et le contrat d’un an de Doug a pris fin, en raison de contraintes financières, il a été rappelé aux États-Unis. Cela l’a profondément attristé, mais il n’avait pas d’autre choix.
Le projet de ferme modèle a pourtant été compté comme une réussite grâce à celui de Mongolie intérieure. Les leçons apprises là-bas ont contribué à améliorer les pratiques agricoles, et Creative Food a pu continuer à fournir de la laitue à diverses régions de la Chine. Bien que le projet de ferme modèle n’ait pas fonctionné comme prévu, Doug considère toujours son aventure en Chine comme une expérience transformative qui a enrichi sa vie, y compris un cadeau spécial d’un ami local : une bouteille de vin de riz maison très spéciale en raison des vertus médicinales qu’elle contient.
11 Paysan moderne
En août 2004, le fondateur de Creative Food se retrouve sur le plateau de l’émission de télévision chinoise très en vue « Fortune Time », interviewé par l’animatrice Ye Rong. Cette expérience le met sous les feux de la rampe et lui procure une notoriété éphémère en Chine en tant que « paysan moderne » français travaillant avec les agriculteurs locaux. L’interview est parsemée de gaffes dues à la barrière linguistique, mais Xavier réussit à expliquer pourquoi il a choisi de vendre des salades en Chine, mettant en avant les avantages nutritionnels des salades par rapport aux légumes sautés traditionnels chinois.
Du côté commercial, Xavier et son équipe font face à la pression constante des cadres de KFC, qui ouvrent de nouveaux restaurants à un rythme effréné. Pour rester pertinent en tant que fournisseur, Li doit continuer à se développer et à investir dans de nouvelles installations de production. La pression et les investissements constants sont sources de stress, et Xavier recherche désespérément de nouvelles opportunités de croissance pour son entreprise. Le fondateur de Creative Food décide alors de diversifier son activité en lançant une ligne de salades emballées. Malgré le succès de la vente de laitue à KFC, il voit une opportunité sur le marché des salades emballées en Chine, où la demande pour des produits frais et sûrs est en croissance.
Après l’interview avec Ye Rong, il devient brièvement une célébrité en Chine, reconnu dans les magasins et les aéroports. Il utilise cette notoriété pour promouvoir sa nouvelle gamme de salades emballées sous la marque « Lutece ». Cette nouvelle entreprise le met en concurrence directe avec de grandes marques internationales dans les supermarchés chinois. Le marché des salades emballées était en plein essor aux États-Unis, en Europe et en Australie à ce moment-là. Même si en Chine, les salades ne font pas partie de l’alimentation traditionnelle, pour Xavier, la classe moyenne chinoise en croissance et de plus en plus exposée aux produits occidentaux serait intéressée par des salades emballées pratiques et sécuritaires. Autant le marché répondait bien dans les grandes villes et les consommateurs se comptaient par milliers, mais dans les villes secondaires, le style de vie étant différent, les consommateurs ne savaient pas comment manger ces salades qui étaient tellement différentes de leur nourriture quotidienne. Il fallait donc éduquer le consommateur.
Ainsi, pour promouvoir ses salades, il engage des centaines de promoteurs pour offrir des échantillons gratuits dans les supermarchés. Les ventes augmentent sensiblement après ces opérations, ce qui montre que le changement prévu est bien là, mais le changement n’est pas aussi rapide que prévu. Alors Xavier décide d’élargir sa gamme de produits pour s’adapter aux goûts locaux, introduisant des salades de légumes cuits et des assaisonnements adaptés aux préférences chinoises en utilisant des produits asiatiques plutôt qu’occidentaux pour correspondre au palais des Chinois. Il développe de nouvelles recettes adaptées aux préférences locales. Les employés de l’entreprise sont encouragés à proposer de nouvelles idées de produits, et un système de récompenses stimule la créativité. Wu Xiaolin, une jeune diplômée, propose une salade de patates douces, qui devient un succès. Creative Food adapte ses produits pour répondre à la demande du marché chinois tout en continuant à promouvoir la sécurité alimentaire et la qualité de ses produits. Cependant, la demande des consommateurs chinois pour des produits frais et sécuritaires crée des défis uniques.
En Chine, les consommateurs sont différents des consommateurs américains ou européens. Les services sanitaires et d’inspection des produits alimentaires sont plus stricts, alors qu’en Chine, à l’époque, les règles et les standards diffèrent de province en province, ainsi, fabriquer un produit dans une province signifie peut-être une qualité et une sécurité moindres que le même produit fait dans une autre province. Les scandales alimentaires ayant tellement fait de ravages, les consommateurs sont très attentifs à la qualité des produits alimentaires et font preuve d’une grande méfiance envers les marques et les institutions. Ils effectuent des vérifications intensives, lisent les étiquettes, consultent les médias sociaux et utilisent des réseaux de confiance pour évaluer la qualité des produits.
L’entreprise se heurte à des difficultés pour convaincre les supermarchés chinois plus petits d’adopter ses produits, car ils préfèrent souvent offrir des produits moins chers et plus traditionnels. De plus, les supermarchés ne vérifient pas autant la qualité de leurs fournisseurs que les restaurants, ce qui complique la mise en avant des avantages de la sécurité alimentaire de Creative Food. La sécurité alimentaire en Chine reste un problème majeur, avec des cas de fraudes alimentaires et de produits chimiques toxiques. Les réglementations sont insuffisantes, et les sanctions pour les infractions à la sécurité alimentaire sont légères.
Xavier réalise que pour réussir à vendre ses produits en Chine, il doit non seulement répondre aux préférences des consommateurs, mais aussi gagner leur confiance en matière de sécurité alimentaire. Pour ce faire, il doit trouver des moyens créatifs de différencier ses produits et de montrer qu’ils sont plus sûrs que les alternatives sur le marché.
Xavier et sa femme Jane ont une amie Li Xiaoguang qui est la mère de Youyou. La jeune fille continue de fréquenter l’école prestigieuse affiliée à l’Université des études internationales de Shanghai, tandis que la fille de l’auteur, France, fréquente une école locale. Malgré leurs différences, les deux filles continuent d’avoir des rencontres avec des jeux supervisés par Li. En effet, avec l’état d’esprit chinois de tendre à s’améliorer chaque jour, elle n’hésite pas à organiser de manière ludique des petits challenges pour les enfants sous forme d’exercices mathématiques et d’écriture à chacune de leurs rencontres. Ce qui ne déplaît ni à Xavier ni à Jane, qui est d’origine coréenne et qui y voit du bien.
La santé devient une préoccupation pour Li Xiaoguang après que le frère de son mari soit diagnostiqué d’un cancer. La famille commence à surveiller de près son alimentation, en évitant certains aliments, comme les fruits de mer, en raison de problèmes de pollution suivant là où ils sont pêchés. Ils commencent également à acheter de la viande directement auprès d’un fournisseur en Mongolie intérieure.
En Chine, de plus en plus de gens prennent conscience des problèmes de santé liés à leur régime alimentaire. L’urbanisation et le changement de régime alimentaire ont contribué à une augmentation alarmante des cas de cancer et de diabète. Le mode de consommation et les choix alimentaires des Chinois, initialement basés sur les principes de la médecine chinoise, ont pour but d’équilibrer leur régime alimentaire et leur bien-être. Ils privilégient les aliments frais et locaux, tout en évitant les aliments transformés et les boissons sucrées.
La médecine traditionnelle chinoise met l’accent sur l’équilibre entre le « yin » (froideur, humidité) et le « yang » (chaleur, sécheresse) dans le corps, en utilisant des aliments pour réguler cet équilibre. Les Chinois ne se concentrent pas autant sur les nutriments individuels tels que les protéines et les glucides, mais plutôt sur la façon dont les aliments affectent l’énergie vitale (qi) et le sang (xue) du corps. Li Xiaoguang explique comment les saisons influencent leurs choix alimentaires et comment certains aliments sont considérés comme « chauffants » ou « refroidissants » en médecine chinoise.
En fin de compte, l’auteur se rend compte que sa vision des salades pré-emballées comme un produit occidental à la mode ne correspond pas aux préférences alimentaires locales en Chine. Il réalise également que les petits agriculteurs jouent un rôle crucial dans la préservation des traditions alimentaires chinoises et dans la sécurité alimentaire du pays. Il décide de réorienter son entreprise vers les chaînes de supermarchés, inspiré par le modèle de dépanneurs japonais qui mettent l’accent sur les aliments frais et prêts à consommer, tels que Lawson, Family Mart, etc. Cette décision conduit à une reprise de la rentabilité de ses opérations de vente au détail, et Creative Food commence à fournir des salades et des repas prêts à manger aux chaînes d’épicerie japonaises en Chine.
L’auteur constate que la Chine est en train de moderniser son approche de l’alimentation tout en préservant ses traditions alimentaires et en se tournant vers des méthodes de régime plus équilibrées et traditionnelles pour maintenir la santé de sa population. Les petits agriculteurs jouent un rôle clé dans cette évolution.
12 Fausses entreprises
En 2004, l’auteur reçoit un courriel de l’un de ses investisseurs allemands qui l’informe sur une entreprise appelée Chaoda Modern Agriculture, récemment cotée à la Bourse de Hong Kong. Chaoda connaît une croissance fulgurante, affichant des marges de profit impressionnantes et des ventes de 50 millions de dollars. L’entreprise se distingue en louant de vastes terrains aux gouvernements provinciaux, embauchant des agriculteurs locaux pour cultiver principalement des salades, puis vendant ces produits directement aux clients finaux. Cette stratégie permet de garder des marges plus élevées, puisqu’ils n’ont plus besoin de payer des intermédiaires. Ceci serait les raisons de ce succès et de cette réussite fulgurante.
L’auteur est sceptique quant à la viabilité de ces marges de profit élevées et de l’expansion rapide de Chaoda. Il remet en question la façon dont l’entreprise semble résoudre des problèmes auxquels il est confronté depuis des années, tels que la gestion des agriculteurs locaux, la logistique de la livraison de produits périssables et la qualité des produits destinés à l’exportation.
Les comparaisons constantes entre Creative Food et Chaoda commencent à agacer l’auteur, et il constate que de plus en plus d’investisseurs s’intéressent à Chaoda et posent des questions sur la viabilité de son propre modèle commercial. De plus, il s’inquiète de la possibilité que Chaoda pénètre dans son propre marché et attire ses clients en utilisant son important capital. L’énigme la plus étrange est qu’il ne s’explique pas comment une si jeune entreprise peut prétendre résoudre des problèmes qu’il sait être très complexes alors que sa propre entreprise est l’une des plus grosses du marché et qu’ils ont déjà essayé toute sorte de solutions.
Xavier soupçonne également que Chaoda bénéficie de subventions gouvernementales pour l’agriculture, mais l’entreprise ne divulgue pas ces informations dans ses rapports annuels. Il décide de rencontrer le PDG de Chaoda, Kwok Ho, pour en savoir plus sur l’entreprise mystérieuse.
Cependant, lors de la visite du siège de Chaoda, l’auteur découvre des incohérences lors de sa visite des fermes et installations de Chaoda, notamment le manque d’activité, la modestie des équipements et la désuétude des installations de traitement. Il devient de plus en plus convaincu que Chaoda ne mène pas une véritable entreprise agricole.
L’auteur discute avec Kwok Ho, le PDG de Chaoda, mais ressent que Kwok le considère comme un étranger et un client potentiel plutôt qu’un partenaire commercial. Il estime que Chaoda n’est pas transparent sur la manière dont ils obtiennent des marges de profit élevées.
Plus tard, l’auteur apprend que Chaoda avait déjà eu des discussions avec l’un de ses concurrents à Shanghai, mais que les négociations avaient échoué en raison de problèmes liés aux subventions gouvernementales. L’auteur soupçonne que Chaoda utilise ces aides pour gonfler ses profits, mais il n’a pas de preuve concrète.
Des années plus tard, un rapport publié par un vendeur sous couvert d’anonymat révèle des pratiques comptables douteuses chez Chaoda, ce qui fait chuter le cours de l’action de l’entreprise. L’auteur se sent quelque peu justifié, mais il estime que d’autres entreprises agricoles en Chine suivent des pratiques similaires.
Il pense fortement que cette entreprise masque les subventions gouvernementales en manipulant ses comptes, en gonflant les dépenses en capital et en réduisant les coûts de manière inappropriée. De plus, vu le système de taxe chinoise basé sur l’usage des « fapiao 发票 », il est convaincu que Chaoda pourrait avoir créé de fausses transactions pour générer des ventes fictives et éviter les taxes.
L’auteur conclut qu’ils opèrent essentiellement comme un schéma de Ponzi, utilisant constamment de nouveaux capitaux pour financer des projets et des paiements fiscaux tout en maintenant une façade d’entreprise prospère. Il exprime ses doutes quant à la légitimité des entreprises agricoles similaires qui entrent en bourse en Chine.
Quelques temps plus tard, Xavier rencontre l’ex-femme de Kwok Ho, Chiu Nalai, lors d’une réunion à Hong Kong. Elle semble élégante et stylée, portant des jeans blancs et des mocassins italiens coûteux. L’auteur échange des cartes de visite et engage une conversation polie avec elle et le banquier qui l’accompagne.
Le banquier explique que Chiu souhaite lancer sa propre entreprise sur le modèle de Chaoda, mais elle ne veut pas attendre trois ans pour établir un bilan rentable avant de coter en bourse à Hong Kong. Le banquier suggère la possibilité de fusionner sa nouvelle entreprise avec Creative Food et de coter les deux entreprises ensemble.
L’auteur comprend que Chiu souhaite profiter de l’historique de Creative Food pour attirer des investisseurs. Il feint de l’intérêt pour cette proposition, posant des questions sur l’expansion potentielle de l’entreprise fusionnée.
Chiu finit par expliquer qu’ils ont besoin de l’accord de l’auteur pour fusionner les deux entreprises, mais elle ne semble pas préoccupée par les détails financiers, affirmant qu’ils pourront gérer ces chiffres. Elle rappelle également le succès de Chaoda en montrant que la croissance et la rentabilité ne seront pas un problème, mais sans divulguer aucune information concrète sur leur stratégie commerciale. À ce moment-là, Xavier comprend qu’il avait vu juste sur la légitimité de cette entreprise.
13 Traîtres et déceptions
L’auteur réunit ses managers à une réunion annuelle pour discuter de la stratégie de l’entreprise pour l’année 2005. Il souhaite passer d’une stratégie axée sur la survie à une stratégie plus agressive de croissance rapide. Il présente le slogan « GRANDIR VITE » avec un graphique illustrant un cerf-volant diamant sur lequel chaque coin est étiqueté avec un objectif différent : croissance rapide, nouveaux produits, amélioration du contrôle qualité et renforcement des procédures de gestion. Il explique que la performance des gestionnaires sera désormais évaluée en fonction de ces critères et propose une nouvelle structure de rémunération pour récompenser les meilleurs performers.
Cependant, la réaction de ses gestionnaires est un silence et des visages sans expression, ce qui le déçoit et le rend perplexe. Mike, son bras droit, se lève finalement et explique un proverbe chinois qui signifie « Trois pieds de glace ne se forment pas en un jour ». Ce proverbe explique que la croissance rapide et l’expansion nécessitent du temps et de la patience. Les gestionnaires comprennent alors l’importance de la nouvelle direction stratégique.
L’auteur se rend compte que Mike est un élément essentiel pour mettre en œuvre ces changements, car il possède une approche plus pragmatique et ouverte que lui. Mike est capable d’analyser en détail les problèmes et de rechercher des solutions de manière collaborative. Leur bonne relation de travail contribue à renforcer l’entreprise.
L’auteur explique sa recherche d’une véritable amitié avec Mike, et pas seulement un lien contractuel entre les deux hommes. Malgré quelques partages et rapprochements entre eux, Mike reste professionnel en toutes circonstances. Dans tous les cas, Xavier reconnaît la valeur de Mike en tant que contrepoids à ses décisions impulsives.
Il partage également les différences culturelles entre sa vision de la gestion axée sur la rapidité et l’efficacité occidentale et la vision de Mike axée sur la collectivité et la prudence chinoise. Mike met en garde contre les changements radicaux qui pourraient briser l’unité de l’entreprise, tandis que l’auteur veut aller de l’avant rapidement.
En fin de compte, il réalise que Mike protège les employés de l’entreprise et que sa perspective pragmatique est précieuse, même si elle peut parfois être frustrante pour lui. La tension entre les deux perdure, mais elle fonctionne tant que Xavier écoute les feedbacks de Mike de manière positive.
Cette tension vient aussi du différence de vue sur la culture organisationnelle avec Mike qui préserve l’ancienne culture de Creative Food où l’accent était mis sur la réalisation des tâches sans trop d’attention aux processus. Mike résiste aux efforts de Xavier pour introduire de nouveaux talents dans l’entreprise, insistant pour que les nouveaux candidats prouvent d’abord leur valeur.
Pour ne rien arranger, la pression sur Mike devient intense car il est le principal intermédiaire entre l’auteur et le reste de l’organisation. Il craint que les nouveaux venus apportent une culture bureaucratique et politique qui pourrait nuire aux aspects positifs de leur culture actuelle.
L’auteur réalise qu’il est devenu trop dépendant de Mike et qu’il doit lui faire confiance malgré ses propres doutes. Après une longue conversation en tête à tête, ils décident de travailler ensemble pour trouver un équilibre entre l’introduction de nouvelles idées et le maintien de la culture existante.
Il est fait part aussi des moments de rapprochement de Xavier avec son équipe lors de festivités traditionnelles chinoises. Chaque année, les compagnies chinoises organisent des banquets où tous les employés de la compagnie sont invités avec leur famille. On y voit comment ces événements renforcent le sens de la collectivité au sein de l’entreprise malgré la formalité habituelle. On y voit notamment les éléments culturels chinois comme par exemple la façon d’inviter ses supérieurs à boire un verre de vin en maintenant le verre toujours plus bas que son interlocuteur en signe de respect.
Enfin, l’auteur mentionne une rencontre avec des investisseurs potentiels et la possibilité d’explorer de nouvelles stratégies commerciales pour l’entreprise. Xavier obtient un accord pour vendre une participation de 40 % de Creative Food à Bakkavor, avec une option pour que Bakkavor puisse acheter le reste de l’entreprise à une date ultérieure. Cependant, cette transaction est marquée par des accusations choquantes d’escroquerie portées contre l’auteur et Mike, provenant de courriels anonymes. Ces accusations, orchestrées par une ancienne employée mécontente, menacent l’accord avec Bakkavor.
L’auteur et son associé, Roger, embauchent une agence d’investigation pour enquêter sur les allégations. Le rapport conclut qu’il n’y a aucune preuve pour étayer les accusations. Malgré cela, l’auteur reste troublé par les répercussions potentielles de ces allégations sur sa réputation et celle de l’entreprise. La vente de la participation à Bakkavor se réalise finalement, mais l’auteur ressent un sentiment mitigé de réussite et de blessures accumulées au fil des ans. La perte d’un ami proche, Steve, et le souvenir de ses premiers jours difficiles en tant qu’entrepreneur continuent de le hanter. Néanmoins, en réfléchissant à son parcours, il reconnaît le succès qu’il a atteint et a beaucoup de gratitude pour ça, contrebalancé par le poids de ses responsabilités et de ses doutes.
14 Plus chinois que les Chinois ?
Xavier visite une usine de fabrication de pizzas congelées dans le cadre de sa recherche d’entreprises à acquérir pour Creative Food. En effet, depuis qu’il a vendu 40 % des parts, il a négocié de rester aux commandes de la société jusqu’à ce qu’ils achètent le reste et de continuer à faire grossir le business. En échange, il avait des fonds illimités, ce qui lui permettait de se concentrer sur l’expansion de la société plutôt que de se partager entre faire grossir la boîte et trouver des financements.
Cette usine qu’il se prépare à visiter est située dans un quartier insalubre de hangars et d’ateliers. L’auteur est choqué par les conditions des pratiques d’hygiène de l’usine. En effet, dans les mêmes pièces, on trouve à la fois la viande mais aussi les légumes alors qu’ils devraient être séparés pour éviter la contamination. Ou encore, le fait qu’ils aient arrêté la climatisation dans certaines pièces pour faire des économies, ce qui, avec une température trop élevée, va engendrer une augmentation de bactéries. Le plus surprenant, c’est que cette entreprise distribue énormément à Shanghai, notamment aux chaînes d’épiceries japonaises de Shanghai, qui normalement sont plus exigeantes sur les conditions de production de leur nourriture.
L’auteur exprime sa frustration en constatant que de nombreuses entreprises chinoises, bien que rentables, ne respectent pas les normes de qualité et d’hygiène nécessaires pour une entreprise comme Creative Food. Il s’inquiète des risques potentiels liés à l’acquisition de telles entreprises, qui, si elles sont achetées, devront être mises aux normes pour éviter tout scandale alimentaire, ce qui est déjà une perte d’argent. Mais aussi, la société ayant fonctionné comme ça depuis le début pendant des années, il y aura forcément de la résistance au changement dans le personnel, ce qui sera une source d’ennuis supplémentaire, de temps, de stress et perturbera les opérations globales de l’entreprise mère. Évidemment, un achat de ce type n’est pas envisageable.
L’auteur présente également son nouveau collègue, Einar Gustafsson, un responsable de Bakkavor chargé de développer les opérations en Asie. Einar a une approche plus directe et occidentale des négociations. Par exemple, celui-ci, très rapidement lors de la réunion, demandait très directement et très tôt combien ils voulaient pour acheter leur entreprise. Dans ce genre de situation, les Chinois esquivaient la question ou donnaient un chiffre si élevé qu’il était déconnecté de la réalité. L’auteur a déjà de multiples fois essayé de l’informer qu’en Chine les choses se font différemment, qu’il était préférable d’utiliser la méthode chinoise basée sur la construction de relations personnelles. Cependant, les Occidentaux n’étant pas habitués à ce genre de pratique prennent tout pour une mascarade qui pourrait être un piège ou un moyen de les embobiner le jour des négociations finales. Ceci est créé car la plupart des personnes qui arrivent sur le marché chinois ne comprennent pas la culture, mais aussi la loi. En effet, le milieu légal dans les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord permet une protection, alors qu’en Chine, la réelle protection ne vient que des liens que vous tissez, le système n’étant pas assez performant en cas de problème.
Par conséquent, cela donne une idée aussi des relations à l’intérieur d’une compagnie, le tissage entre les manageurs et les employés jusqu’en haut de l’échelle. Et plus une organisation est grande, plus ce tissage est complexe. Dans des cas pareils, quand on fait l’acquisition de grosse firme, ou on laisse tout en place car le système marche très bien seul et en prend les revenus, ou on place un nouveau groupe de dirigeants qui vont petit à petit transformer la compagnie depuis l’intérieur, mais ça va prendre beaucoup de temps.
Un jour, une visite est organisée à l’entreprise Synear, l’une des plus grandes marques de dumplings congelés en Chine, où l’auteur observe un fournisseur américain qui maîtrise parfaitement la langue chinoise. En effet, le fournisseur américain a un vocabulaire très riche, des expressions typiques, des références culturelles et une connaissance historique, ainsi que des courtoisies d’usage, ce qui lui permet de créer une relation privilégiée avec ses associés. Xavier se rend compte comment la maîtrise de la langue est vecteur de culture et comment de meilleures relations peuvent aider dans les affaires en Chine. Cela aussi génère toute l’admiration de Xavier.
Plus tard, il se trouve dans une réunion avec un homme d’affaires chinois, Li Wei, dans l’espoir d’établir une coopération ou d’acquérir son entreprise. L’homme d’affaires américain avec lequel l’auteur travaille, Einar Gustafsson, se comporte de manière très respectueuse envers Li Wei, utilisant des gestes de courtoisie chinois et exprimant une grande admiration envers lui. Cependant, Einar se montre également direct et demande rapidement à Li Wei combien il estime que son entreprise vaut et exprime son désir de l’acheter.
L’auteur évoque ensuite la décision de cesser de travailler avec les supermarchés pour se concentrer sur les chaînes de magasins de proximité. Cette décision a été prise pour rationaliser les opérations de Creative Food. Il explique comment il a réussi à convaincre Starbucks de devenir un fournisseur de sandwiches pour eux. En effet, la chaîne prévoyait de passer de cent de points de vente à plus de 1500 en 5 ans. La société de Xavier pour pouvoir assurer un tel client devrait faire la construction de nouvelles installations, ce qui refroidissait les actionnaires de sa société qui voyaient dans cette action une perte, puisqu’il faudrait investir dans du matériel avant de voir un retour sur investissement. Au final, Xavier a trouvé de quoi se faire financer et a trouvé une équipe d’experts agroalimentaires qui pourront faire le design de locaux évitant la contamination croisée avec leur salade, mais aussi une équipe qui va former les employés chinois aux nouveaux aliments qu’ils vont traiter.
La mise en place du projet Starbucks a été un succès, mais elle a également créé des pertes initiales, ce qui a provoqué des inquiétudes parmi les actionnaires de Creative Food. Finalement, Xavier réussit à négocier un nouvel accord avec Bakkavor pour un rachat anticipé de Creative Food.
L’auteur partage également ses réflexions sur sa vie personnelle, y compris sa relation tendue avec sa femme Jane. Il note comment sa transformation en entrepreneur prospère l’a changé et comment ses objectifs et ses priorités ont évolué. Malgré ses succès, il se sent vidé et incertain de son avenir.
À ce moment-là, sa compagnie est devenue le partenaire incontournable des chaînes de restaurants occidentaux qui veulent s’implanter en Chine, car il est le seul qui puisse gérer une quantité si importante tout en maintenant des standards qui s’alignent sur les règles d’hygiène nationales, ce qui met hors de compétition des milliers de concurrents locaux qui ont de meilleurs prix mais qui sont plus risqués au niveau de la sécurité sanitaire.
Mais maintenant qu’il s’est imposé sur le marché, pour maintenir la cadence et pouvoir fournir ses clients et futurs clients, il faut s’étendre et grossir, et pour s’étendre, il faut faire l’acquisition d’autres compagnies. Ainsi, pendant qu’il cherche des compagnies à acquérir, il se rend compte que toutes ces entreprises avaient conçu des produits attrayants à des prix compétitifs, mais elles manquaient tout le temps de contrôles de qualité rigoureux, ce qui était clairement un risque pour la sécurité alimentaire. Il arrivait souvent que dans les zones où les usines s’implantaient, les gouvernements locaux voulaient favoriser l’économie et les emplois et donc étaient beaucoup moins regardants sur la manière de travailler des entreprises. Celles-ci pouvaient alors essayer d’être plus compétitives et se concentrer sur leur croissance. Il comprend qu’il ne trouvera pas de compagnie qui peuvent s’aligner sur son standard et écarter les risques sans perdre des millions et du temps pour former les équipes. Il va falloir pivoter. C’est alors qu’il a l’idée de plutôt chercher des compagnies qui font de la nourriture surgelée. Ce type de compagnie est plutôt tourné vers l’exportation, donc a des critères de qualité et d’hygiène plus élevés que les produits dirigés vers le marché intérieur. De plus, les zones où ils sont situés collent très bien avec les territoires où les grandes chaînes de restaurants souhaitent s’implanter et ont du mal à trouver des fournisseurs. Le plan semble parfait.
Il décide alors de se diriger vers ce secteur et très vite identifie une compagnie qu’il décide d’aller visiter. Lors d’une réunion avec le propriétaire de Henong, Hu Xuemin, l’auteur apprend que les finances de l’entreprise ne sont pas transparentes, mais il décide de poursuivre l’accord car il apprécie que le propriétaire ait eu la franchise de tout lui dire dès le début, surtout que cette société cache certaines transactions pour payer moins de taxes. Donc en réalité, la société est en excellente forme financière.
Cependant, l’auteur découvre plus tard que les pratiques commerciales de Hu ne sont pas aussi éthiques qu’il le croyait initialement. Beaucoup de procédés dans l’entreprise, comme certaines pièces qui sont maintenues en ordre et propres ou des références de fournisseurs, sont en réalité des leurres lorsque des clients ou des agents viennent inspecter. Tout paraît en ordre. Parce que ce genre de pratique est tellement monnaie courante dans l’industrie, le patron de Henong pensait que Xavier avait compris aussi et donc n’avait pas besoin de lui divulguer. Cela est un des exemples qui provoque une prise de conscience croissante de Xavier de la complexité et de l’imprévisibilité du paysage commercial chinois.
Il croit fermement que les clients de Henong n’ont jamais été dupe non plus par le la façade professionnelle. Mais au contraire, ils utilisent eux-mêmes cela pour convaincre leur supérieur qu’ils ont été rigoureux dans le choix de leur fournisseur. C’est un jeu de poker qui ne se finit jamais.
En fin de compte, l’auteur conserve beaucoup de sympathie pour le patron de Henong car il sait que c’est une personne qui a commencé en bas de l’échelle à pousser des chariots de légumes dans des fermes communales, qui ensuite a survécu aux années sanglantes de la révolution culturelle et qui a, à force de travail, bâti une grosse société qui fait travailler des centaines voire des milliers de personnes. Alors que pendant ce temps, l’auteur a grandi en France dans un pays stable et riche, avec une morale et un système légal uniforme. Donc qui est-il pour juger ? Ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas travailler ensemble, ça veut seulement dire qu’il ne peut pas s’attendre à ce qu’ils partagent les mêmes valeurs. Il reconnaît les différences culturelles et les défis auxquels il est confronté pour naviguer dans le monde des affaires chinois, soulignant la nécessité d’humilité et d’une compréhension plus approfondie de la dynamique du pays.
15 jours de pluie
Dans ce dernier chapitre, intitulé « L’année 2008 en Chine », l’auteur réfléchit à cette période marquante. Alors que pour beaucoup, cette année évoque la crise financière mondiale ou les Jeux olympiques de Pékin, pour lui, elle rappelle le scandale Sanlu. Sanlu était une marque de formule infantile de confiance qui a été exposée pour avoir utilisé un produit chimique toxique appelé mélamine dans ses produits, provoquant des problèmes rénaux chez 300 000 bébés et causant la mort de trois d’entre eux (un nombre étonnamment bas). L’auteur relate son manque d’attention initial à cette affaire, étant encore préoccupé par ses propres problèmes de sécurité alimentaire avec Henong et ses fraises. Il décrit comment le scandale a éclaté, mettant en lumière la complexité des enjeux en Chine, où les intérêts économiques et politiques pouvaient primer sur la sécurité alimentaire et la santé publique.
L’auteur souligne l’importance de ne pas faire d’hypothèses sur les similitudes de valeurs et de priorités entre les acteurs chinois et étrangers dans les affaires. Les pièges de la compréhension culturelle et des attentes mutuelles dans un contexte commercial sont complexes en Chine.
Il discute de la complexité de la gestion des entreprises en Chine et des leçons qu’il a apprises au fil des ans. Il souligne le défi de comprendre les motivations et les loyautés des personnes avec lesquelles on travaille en Chine, en raison des différences culturelles et des enjeux économiques et politiques. Il explique qu’il a appris à évaluer la position d’une personne, ses connaissances et ses incitations avant de prendre des décisions commerciales. Il recommande de recueillir des informations auprès de diverses sources pour éviter les pièges et les surprises.
Il partage également son expérience lors de la crise financière mondiale de 2008 et comment cela a affecté ses activités en Chine. Ses investissements ont été affectés par les problèmes financiers de Bakkavor, et il a dû faire face à des restrictions financières qui ont compliqué ses opérations en Chine.
Finalement, l’auteur évoque sa décision de quitter Creative Food pour se concentrer sur un fonds d’investissement. Il mentionne également la relation avec son collaborateur Mike, qui avait des réserves concernant la direction de l’entreprise. Mike a fini par accepter de travailler sur le fonds d’acquisition d’entreprises, bien que son engagement ait été principalement motivé par le devoir plutôt que par un enthousiasme personnel.
Quand on est entrepreneur en Chine, il faut s’attendre à relever des défis, faire des sacrifices et constamment ajuster ses stratégies au fil du temps.
Épilogue
Dans cet épilogue, l’auteur souligne l’importance pour les étrangers faisant des affaires en Chine de reconnaître la complexité, l’ampleur et la culture du pays en tant qu’environnement commercial distinct. Il met en évidence les erreurs qu’il a commises au début de Creative Food en ignorant les traditions culinaires et les préférences locales en matière de nourriture, et en supposant que la Chine se rapprocherait du modèle occidental à mesure qu’elle se développerait économiquement.
L’auteur discute également de l’évolution du secteur alimentaire chinois et de la montée en puissance des écosystèmes numériques, tels qu’Alibaba, WeChat et JD.com, qui ont transformé la manière dont les consommateurs chinois achètent des produits alimentaires. Il souligne l’importance de la confiance dans les relations d’affaires en Chine et la nécessité d’écouter les gestionnaires et les employés locaux pour réussir.
Enfin, l’auteur évoque le rôle essentiel des petits agriculteurs chinois dans la modernisation de l’agriculture du pays et comment les jeunes agriculteurs comme Lin sont en train de changer les pratiques agricoles de manière durable. Il conclut en recommandant aux entreprises étrangères de s’adapter à l’environnement chinois spécifique et de ne pas penser que ce qui marche en Occident va forcément fonctionner de la même manière en Chine. Il conseille d’apprendre des locaux pour réussir sur le marché chinois en constante évolution.
Mon avis sur le livre “The Lettuce Diaries: How a Frenchman found gold growing Vegetables in China”.
J’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai lu deux fois à quelques temps d’écart, et j’y ai encore appris des choses. Les raisons de mon affection pour le livre sont premièrement qu’au travers des pages je peux sentir que l’auteur est une personne qui a vraiment « vécu la Chine » et n’est pas juste un expatrié qui a passé quelques années sur place en restant dans sa bulle occidentale. Au contraire, Xavier Naville a tenté de comprendre la culture en profondeur, d’apprendre la langue, de se rapprocher des gens et de voir le pays comme il est vraiment, avec ses qualités et aussi avec ses défauts. On voit une évolution de la compréhension de l’auteur envers son environnement et la société chinoise en général. Il apprend à voir au-delà des différences culturelles. Il partage également son parcours entrepreneurial en Chine et donne de véritables leçons qui ne peuvent pas être enseignées par juste un conseil en une phrase ou une maxime. On dit qu’une image vaut mieux que mille mots, mais pour ma part je pense que certaines expériences ne peuvent être apprises et transmises que si on y passe un certain temps et qu’on nous les explique comme il faut. Un livre pour de telles enseignements n’est pas de trop. Ainsi, les conseils et le message de Xavier au travers de son livre sont très bien transmis. Enfin, on y voit aussi l’importance d’apprendre le chinois et l’impact que cela a réellement quand on fait des choses en rapport avec la Chine.
Points forts du livre “The Lettuce Diaries: How a Frenchman found gold growing Vegetables in China” (Comment un Français a découvert de l’or en cultivant des légumes en Chine) :
- Des explications adaptées à un publique occidental
- Nombreux conseils pratiques et pertinents pour la vie en chine et pour le business
- Une vision objective sur les différences culturelles
Points faibles du livre “The Lettuce Diaries: How a Frenchman found gold growing Vegetables in China”:
- Pas traduit en Français
Qui est Xavier Naville?
Né en France, Xavier est rapidement apparu comme un passionné de la compétition, dès ses premiers pas au sein de l’équipe de France d’escrime. Ses talents l’ont ensuite conduit à décrocher les plus prestigieuses distinctions au sein des écoles de commerce européennes. Dès lors, il s’est lancé dans un périple captivant à travers le monde du commerce international, finissant par établir ses quartiers en Chine à la fin des années 90.
C’est là, en Chine, que Xavier a jeté les bases de la Creative Food Group, une entreprise d’agroalimentaire qui a connu une ascension fulgurante, passant d’une simple start-up à un géant de l’industrie doté de huit usines et de quatre fermes en Chine continentale. La société comptait à son apogée plus de 1 500 employés répartis dans tout le pays, fournissant des géants de la restauration tels que Starbucks, KFC et McDonald’s. Xavier, en tant que PDG, a supervisé l’ensemble des opérations quotidiennes pendant une impressionnante période de sept ans avant de céder la société au groupe britannique Bakkavor, coté à Londres, dans une sortie couronnée de succès.
À la tête de Bakkavor Chine pendant plusieurs années, Xavier Naville a dirigé la stratégie de capital, supervisant le financement de la croissance sur les marchés financiers internationaux. Il a également été le cerveau derrière l’expansion de l’entreprise sur de nouveaux marchés, tout en se distinguant par sa gestion éclairée durant la crise financière de 2008-2009. Il a ainsi garanti une situation financière saine, répondant aux exigences des institutions bancaires avec brio.