« N’importe qui peut atteindre mon niveau, s’il est aussi diligent que moi pendant toute ma vie. »
J.S. Bach
Budapest le 20 mars 2020, lors d’une conversation téléphonique avec un ami d’enfance, le sujet que nous abordons me fait repenser à une histoire incroyable qui s’est déroulé exactement dans le pays où je me trouve en ce moment, c’est-à-dire en Hongrie.
Cette histoire commence dans les années 1960 avec des lettres échangées entre un homme et une femme. Cependant ces lettres n’étaient pas des lettres d’amour mais des échanges d’idées sur les possibilités futures d’une expérience ensemble.
L’homme en question est un psychologue spécialisé dans l’éducation et il avait une théorie sur l’origine du génie. Pour lui, les génies ne naissent pas génie, ils sont construits pour le devenir !
Lors de ses recherches un cas qui l’avait particulièrement inspiré fut celui de Wolfgang Amadeus Mozart qui composait déjà à l’âge de 5 ans !
Ce cas semble être le parfait exemple d’un enfant né avec des prédispositions très spéciales pour la musique. Mais notre psychologue Hongrois a remarqué que le père de Mozart, Léopold, était lui-même un musicien accompli. Sous sa direction Mozart fut instruit en musique et reçu aussi une éducation exclusivement prodiguée par son père. Ainsi il en conclue qu’un entraînement spécialisé est plus important qu’un talent spécial.
À cette époque les esprits ne pouvaient pas concevoir ce genre de concept et ses idées furent mal reçues. Au point que les fonctionnaires du gouvernement local lui ont conseillé d’aller consulter un psychiatre.
Entre une théorie si inspirante et un tel rejet du corps scientifique, il avait l’intention de prouver son hypothèse.
La décision fut prise et un plan fut créé.
Suivant la nature de la théorie, il n’eut pas d’autre choix que de tenter l’expérience sur sa future propre famille.
Dans ce but il se mit à correspondre avec bon nombre de jeune femme dans l’espoir d’en trouver une avec qui se marier et tenter l’aventure.
Une de ces jeunes femmes fut une jeune Ukrainienne qui se dénommait Klara.
Comme la plupart des autres jeunes femme, elle pensait qu’il était fou, mais elle accepta de le rencontrer. Lors de leur premier rendez-vous, elle fut attirée par l’intelligence dont il faisait preuve et fut conquis par ses arguments irrésistibles. À tel point qu’elle accepta de participer à l’expérience et de se marier avec lui.
Cette histoire est celle de la Famille Polgar.
La suite du destin de cette incroyable histoire, c’est qu’ils eurent trois filles, et chacune d’entre elles ont obtenu le plus haut grade dans le classement des compétitions internationales de jeux d’échecs qui sont le rang de Grand Maître.
Judith a été la première femme de l’histoire des échecs à obtenir le titre à l’âge de 15 ans et quatre mois brisant le record du monde de l’icône mondial des échecs Bobby Fischer. Ceci n’est qu’un parmi les nombreux exploits dont les filles ont fait preuve.
D’après la théorie du père, Lazlo Polgar, ils ont choisi les échecs car c’est un domaine objectif.
S’ils avaient choisi un domaine plus artistique, les gens auraient pu contester leur niveau.
Lazlo a dit que les mêmes résultats peuvent être obtenus pour n’importe quel domaine. Ainsi ceci serait reproduisible aussi bien pour la peinture, la danse ou les langues étrangères…
Cette dernière phrase était toujours reste dans ma tête. Depuis le jour où j’ai su qu’il était possible d’utiliser ces principes dans les langues, j’ai fait de nombreuses recherches pour essayer se retrouve Lazlo Polgar. Mais l’homme n’est pas facile à trouver, il a l’air d’être encore mieux caché que le trésor des templiers.
Toutefois, pendant que je raconte cette histoire à mon ami, il me revient en mémoire tout à coup que Lazlo avait écrit un livre à ce sujet.
Je l’avais cherché pendant 2 ans, mais j’avais abandonné car le livre était introuvable et n’était plus édité depuis plus de 30 ans.
Mais au moment où je raconte l’histoire à mon ami, j’étais à Budapest. Peut-être que j’aurai plus de chance dans le pays d’origine de trouver une édition du livre !
Aussitôt dit, aussitôt fais ! Je me lance dans des recherches à la bibliothèque municipale, Je cours les librairies locales, je fais des recherches sur internet, demande à des amis locaux s’ils peuvent me donner un coup de main car en Hongrois les recherches seront plus fructueuses, etc. …
Au final, après des rebondissements dignes de films d’espionnage et quelques cascades à la Jackie Chan, je me retrouve à la fermeture du magasin d’un antiquaire à négocier à travers la grille la seule copie disponible de l’ouvrage. Je glisse les billets à travers la grille, et il me glisse en retour le livre dans une poche en papier, c’est gagné, je l’ai trouvé !
Le trésor des Hongrois
Première pépite
Quand il a commencé son travail avec sa femme Klara, ils sont passés par la lecture d’un très grand nombre de biographies et des études. Ils ont examiné l’enfance de beaucoup de personnes éminentes. C’est à ce moment-là qu’ils ont réalisé que tous ceux qui sont devenu des génies spécialisés dans un domaine particulier depuis un très jeune âge ont eu à leur cote un père ou une mère, ou un mentor qui avait une obsession positive pour le domaine en particulier. Juste à ce point, cela confirmait leur théorie que le génie n’est pas une chose héréditaire, c’est quelque chose qu’on construit.
Dans le domaine des langues, il y a plein d’exemple qui vont dans ce sens.
Les enfants qui sont dans un cadre avec une diversité linguistique, arrivent rapidement à développer une capacité pour l’usage de plusieurs langues. Mais dès qu’ils sont dans un environnement et des activités qui sont moins diversifié, ils perdent cette capacité.
Dans la même idée, les adultes même à un âge très avancent, à partir du moment où ils étudient avec de bonnes méthodes une langue, ils sont capables d’en maîtriser plusieurs à un haut niveau. Kato Lomb en est un parfait exemple.
Ainsi appuyé par son expérience, Lazlo en conclue que le cerveau humain a une telle élasticité dans son système de fonctionnement que par une bonne pédagogie, on est capable de former le cerveau de toutes les manières.
Ce n’est donc pas une question génétique.
Le cerveau a une capacité d’apprentissage qui ne s’arrête que le jour où on quitte cette terre.
L’éducation n’a pas qu’une seule et unique forme
Monsieur Polgar n’avait pas une opinion très favorable sur l’école en général.
Pour lui, bien que l’objectif de former les enfants à la résolution de problèmes est une bonne chose, dans le système scolaire, il n’est quasiment jamais atteint.
Les classes traditionnelles n’inspirent pas les élèves à achever de grandes choses, elle ne forme pas non plus à l’autonomie. Elles ne font qu’égaliser les élèves à un niveau relativement bas.
Pour lui, ce type d’organisation ne permet donc pas à chaque enfant d’atteindre son plein potentiel.
D’ailleurs l’histoire d’Albert Einstein l’illustre bien aussi.
Ses professeurs de l’époque le considéraient comme un mauvais élève, qu’il pensait lentement, qu’il était agité et préoccupé par des idioties.
L’histoire a prouvé ce qu’il y avait à prouver 😊
Après avoir examiné l’histoire des personnes talentueuses de notre monde, Lazlo et sa femme ont décidé qu’ils se chargeraient eux-mêmes de l’éducation de leurs enfants à la maison. Ainsi quand leur première fille Zsuzsa atteint l’âge de l’école obligatoire, six mois avant la rentrée des classes, il a demandé une dérogation pour pouvoir éduquer sa fille chez lui.
La demande a été refusé plusieurs fois, par la suite il a même fait circuler une pétition qui a été approuvé et signé par des professeurs d’écoles et par le champion international d’échecs Janos Szabolcsi.
Les fonctionnaires du gouvernement de l’époque étaient d’accord et pourtant les demandes étaient refusées successivement les unes après les autres.
Finalement après différentes tentatives et après avoir réussi aux exigences et test qui lui ont été demandé, il obtint le droit de faire la classe à ses filles à la maison.
Planter la bonne graine
Parmi les différents concepts pédagogiques utilisés, il y a deux concepts centraux.
Ces concepts sont : éveiller l’intérêt de l’enfant et maintenir cet intérêt dans le temps.
Pour parvenir à ces résultats, les louanges et l’admiration pour les réussites de l’enfant sont requis. Les enfants développent leurs compétences avec énergie et ont de plus grande réussite.
Il est très intéressant de voir comment à l’époque, bien avant les recherches dans les neurosciences, la vulgarisation des connaissances et internet, ces principes étaient déjà découverts.
De nos jours de plus en plus d’entraînement et coaching organisent leurs programmes sous forme de plusieurs mini-missions qui permettent à l’élève ou la personne d’obtenir plusieurs petites victoires et petit à petit de gagner plus confiance en elle afin d’atteindre doucement mais sûrement l’objectif final.
La plupart de ces programmes utilisent cette stratégie principalement pour garder la personne motivée tout le long du parcours.
Par exemple, fractionner une tâche complexe et importante en plusieurs plus petites taches plus simples et plus faciles pour là aussi petit à petit pouvoir l’assimiler et de pas démotiver la personne.
Ici Lazlo utilise aussi cette technique non seulement garder la motivation, car ce qui rend les gens heureux et confiant c’est la sensation de progresser, mais ce que je trouve génial c’est qu’il l’utilise aussi pour créer l’intérêt.
Quand on y pense c’est aussi souvent le cas quand on veut encourager un ami à faire quelque chose.
Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir encourager un ami à faire quelque chose et pour l’encourager, vous lui faite remarquer qu’il/elle est vraiment douée pour cette activité alors qu’il/elle n’en a jamais fait avant ?
Et quelle est la réaction de la personne en général ?
La personne répondra par : “Vraiment ? tu trouves.”
Et la personne va alors continuer un peu plus l’activité.
Ensuite c’est l’effet boule de neige. Plus la personne est en contact, plus elle s’y connaît et plus elle s’y connaît plus elle développe ses compétences dans l’activité.
Ceci entraîne plus de louanges et cela devient un cercle vertueux.
On n’a rien sans rien
De manière synthétique, Lazlo résume l’essence de son système avec une instruction intensive dans le domaine choisi. Par exemple ses filles ont commencé depuis l’âge de 4 ou 5 ans et à partir de là, elles ont passé de plus en plus de temps à jouer jusqu’à une moyenne de 5 à 6 heures par jour.
Dans le livre, il est mentionné que ceci donnera les mêmes résultats pour tout autre domaine et le domaine linguistique inclus.
Dans le cadre d’une instruction intensive, un enfant va vite prendre confiance car il va sentir qu’il a un certain niveau. Il va très vite être autonome, réussir plus de chose et en très peu de temps arriver à être indépendant dans l’application de leurs connaissances.
Il donne l’exemple suivant : Mettons des enfants dans une classe pour les génies et que cette école se spécialise dans les langues étrangères avec un apprentissage des langues à la hauteur de 5 à 6 heures par jour.
Après quelques mois ils seront capables de correspondre avec des enfants à l’étranger. Avec le temps et les opportunités que peut offrir l’école comme les voyages scolaires à l’étranger, l’enfant développera ses compétences et ses connaissances dans les langues et prendra de plus en plus confiance en lui.
Après un certain moment ils seront capables de parler couramment la langue qu’ils apprennent et auront de plus en plus de réussite.
Est-ce que ceci est une expérience et un sentiment positif pour l’enfant ? C’est sûr !
Est-ce que c’est une chose positive pour la société ? C’est certain !
Dans les années qui suivent, ils seront capables de faire la même chose avec d’autres langues.
Lazlo conseille de commencer l’apprentissage des langues par l’espéranto.
Ceci pour deux raisons :
La première est une raison idéologique.
À l’origine l’espéranto a été créé pour arriver à concilier tous les peuples entre eux. En parlant une langue dont personne n’est natif, il n’y a pas de concurrence ni de jugement, ni d’accent authentique, tout le monde est à égalité.
L’autre raison n’est pas clairement exprimée mais on peut en déduire la raison suivante : l’espéranto est bâti sur un système logique et peut-être appris en seulement quelques semaines.
Il forme les gens qui l’apprennent à avoir un raisonnement logique sur les concepts et la construction de la langue. Cette langue ne contient aucune exception.
Les rapports des professeurs qui enseignent l’espéranto aux enfants ont découvert qu’après l’espéranto les enfants sont plus réceptifs à d’autres langues et les abordent d’une manière constructive et sont moins intimidées par celles-ci.
J’espère que les quelques pépites de cet article vous donneront des idées pour mieux progresser dans votre étude de langues chinoises, coréennes, japonaises, thaï ou tout autre langue qui vous fait plaisir !
Bravo pour ce sujet vraiment très intéressant et très agréable à la lecture !